Tous différents, tous pareils… Une question de regard
« L’accueil des personnes différentes au sein du système scolaire, en raison d’une difficulté d’apprentissage ou d’un handicap, nécessite certains aménagements matériels, mais suppose avant tout un regard et une attitude qui respectent la singularité de chacun(e). Comment veiller à cet axe essentiel, au cœur de nos pratiques quotidiennes, et comment y sensibiliser nos équipes éducatives ? »
Ainsi était libellé le chapeau de l’invitation à la « Journée du Sens », moment de réflexion et de ressourcement organisé le 18 mars dernier par un groupe porteur, à l’initiative de la pastorale scolaire du SeDESS-Hainaut. Cette journée, proposée chaque année aux directions et directions-adjointes des écoles secondaires, permet aux participants de prendre un peu de recul par rapport à l’urgence et à la multiplicité des tâches liées à leur fonction dans l’école… Quelques heures pour « souffler », prendre soin de soi et redécouvrir le sens le plus profond de la mission de direction : veiller à la croissance humaine de chaque élève, en s’appuyant sur ses capacités uniques et en lui permettant de déployer tout son potentiel.
La différence se partage
C’est Josef Schovanec qui a ouvert la journée en questionnant, avec l’humour et la finesse qu’on lui connaît, nos représentations classiques de l’autisme et, plus largement, des personnes « différentes ».
De prime abord, la différence dérange, fait peur ou met mal à l’aise. Elle nous bouscule et nous oblige à quitter notre zone de confort. Mais, pour peu que nous l’accueillions avec bienveillance, elle vient élargir notre horizon et nous enrichit, de façon inattendue et insoupçonnée.
Lorsqu’on parle d’aménagements raisonnables, la différence est généralement perçue comme un « moins », un handicap, et on se demande alors comment le « compenser ». On cherche à adapter les personnes différentes au monde dit « normal », au risque de les formater d’une façon socialement acceptable et de les réduire aux aspects qui « sautent aux yeux », sans envisager suffisamment leurs propres richesses qu’elles ne demandent qu’à partager.
Extraits de sa conférence-témoignage
Quand on est concerné à titre familial ou personnel par la différence, on acquiert un état d’esprit, une sensibilité spécifique. Les personnes « autisto-compatibles » le sont souvent à la suite d’ un événement ou d’une histoire personnelle qui rend ces personnes très précieuses.
Comment développer cette culture de la compatibilité personnelle avec les différences humaines ? Telle devrait être la réelle tâche de l’école. Lorsque l’on apprend à fonctionner, à « être » avec des personnes ayant toutes sortes de profils, c’est une compétence qui reste à vie. Voilà bien une compétence que l’école pourrait mettre davantage en lumière, car on ne peut l’acquérir tout seul.
Quand on déclare une personne déficiente ou irrécupérable, est-ce vraiment la personne qui est déficiente ? Ne seraient-ce pas plutôt les ressources que l’on n’a pas mises en place ?
Lors d’une formation sur l’école inclusive, une participante pose naïvement cette question : « mais pourquoi faut-il absolument que les autistes aillent à l’école ? ». Réponse d’une autre participante : « l’enfant autiste doit aller à l’école pour que les autres aient la chance de le rencontrer ».
Une expérience vécue
De « rencontre », il en a été aussi question dans le témoignage apporté par le Collège St-Augustin d’Enghien. En 2018, l’équipe éducative accueillait en 1ère secondaire le jeune Florentin. Sourd profond, implanté, Florentin achevait une scolarité dans l’enseignement ordinaire fondamental dans laquelle il avait été accompagné par une l’Asbl APEDAF via la présence d’une aide pédagogique en classe. Ce projet d’intégration, fruit d’une collaboration entre Florentin, sa maman, la direction et l’équipe éducative, permet au garçon aujourd’hui en 3ème secondaire, de vivre une scolarité épanouie et respectueuse de sa déficience auditive. Par ce témoignage, preuve pouvait être faite s’il le fallait, que s’ouvrir à la différence permet de la comprendre. Au-delà de l’intégration scolaire, c’est cette compréhension qui permet d’opérer des changements de regards et de mentalité chez les personnes dites « ordinaires ».
A méditer, assurément, au moment où le Pacte d’excellence insiste sur la mise en place d’une école plus inclusive !
Elise Bouchelet et Bernard Ghislain