Une journée sur le sens de la sanction, entre justice et pardon…
C’est dans la superbe Orangerie de l’Institut Gosselies Providence Humanités (GPH) que s’est tenue, le jeudi 14 mars 2019, la neuvième édition de la « Journée du Sens », qui offre chaque année un moment de pause, de réflexion et de convivialité aux équipes de direction des écoles catholiques du Hainaut. Une soixantaine de participants ont ainsi répondu à l’invitation du Service diocésain de l’enseignement secondaire et supérieur (SeDESS) et de l’équipe de la pastorale scolaire du secondaire pour le diocèse de Tournai.
Une « juste » sanction ?
La gestion des comportements violents de certains élèves fait partie du quotidien des écoles. Il est assez naturel pour des adolescents de « tester » les adultes, un peu comme on teste un véhicule avant de lui accorder sa confiance. A ceci près que l’adulte en question n’est pas de la mécanique, mais un être humain qui a ses propres fragilités et le même droit au respect. Alors parfois, il faut recadrer, poser des limites, sanctionner. L’exigence de réparation – et parfois la mise « hors d’état de nuire » – n’est pas d’abord une punition, mais plutôt la démonstration que chacun a le droit d’être respecté et protégé.
En milieu carcéral…
Pour comprendre les critères d’une sanction « juste », les organisateurs ont choisi d’opérer un parallèle éclairant avec le monde carcéral. C’est en effet au nom de la justice que la société envoie des personnes en prison. Les détenus n’en demeurent pas moins des êtres humains, même si l’opinion publique a tôt fait de les déshumaniser. La justice ne s’arrête donc pas aux portes de la prison. Comment les détenus sont-ils préparés à l’avenir ? Quel accompagnement leur est proposé pour préparer leur réinsertion ?
Me Thierry Moreau, avocat au Barreau du Brabant wallon, et le père Philippe Landenne, jésuite et aumônier de prison pendant 30 ans, ont apporté leur expertise dans ce domaine. La prison n’impacte pas que les détenus mais aussi les conjoints, les enfants, les amis. « La justice peut se montrer impitoyable, sans aucune bienveillance. Comme avocat, j’essaie d’éviter la casse », explique Me Moreau. Rendu célèbre par son rôle de défenseur de Michelle Martin, Thierry Moreau avait été frappé par la lettre de la communauté des Clarisses qui a accueilli l’ex-femme de Marc Dutroux lors de sa libération conditionnelle : « Les sœurs m’ont demandé de lire cette lettre aux médias ; elles disaient qu’on ne peut enfermer quelqu’un à vie dans son passé, dans ses erreurs, que chacun est capable du pire comme du meilleur et qu’elles souhaitaient tabler sur le meilleur ».
Notre système judiciaire est également source de questions pour l’aumônier Philippe Landenne. « Qui peut établir une vraie tarification pénale ? Qui pense qu’une punition va soulager la victime ? » C’est lors d’un séjour au Canada que le père Landenne découvre la justice « restauratrice ». « On ne peut pas réparer l’irréparable, tout ne peut être réparé, le terme peut même sembler provocateur pour les victimes », reconnaît l’aumônier. « Mais on peut mettre de la vie là où on pense que ce n’est plus possible, recréer du lien pour ‘revivre’ ensemble. » Une vision que partage son ami Thierry Moreau : « La justice restauratrice est beaucoup plus porteuse de sens car elle se construit à partir du lien et non du crime. Auteur et victime se rencontrent, se parlent. Et à chaque fois, il se passe quelque chose. »
Et à l’école ?
Délégation d’élèves de l’IMCE Erquelinnes
Océane, Thrystan, Guillaume et Patrice sont venus de l’IMCE d’Erquelinnes. Avec une enseignante et deux éducateurs, ils témoignent d’une initiative mise sur pied depuis maintenant une dizaine d’années dans cette école d’enseignement spécialisé : le conseil de citoyenneté. Composé de trois délégués de classe et de trois adultes de l’établissement, le conseil se réunit une fois par semaine et examine la situation des jeunes qui n’auraient pas respecté l’une des trois règles votées par les élèves. Tout se passe dans le dialogue et la démarche est axée sur la réparation plutôt que sur la sanction. « Avant il y avait pas mal de bagarres, de tensions et ce n’est pas un bon climat pour apprendre », estime Thrystan. « Le respect entre élèves et vis-à-vis des profs, c’est vraiment important. » Ce conseil a pour but d’apprendre aux jeunes à avoir confiance en la justice, d’accepter les conséquences de leurs actes, de prendre conscience de leurs droits et de leurs devoirs. Une initiative parmi d’autres qui montre qu’en milieu scolaire aussi, on peut réfléchir, débattre et faire évoluer ensemble la notion de justice.